Sommes-nous prêts ? A quoi me demanderez-vous ? A la plus grande révolution du travail depuis la création du Fordisme ! Cette révolution qui vient de débuter est celle des intelligences artificielles et des robots. Pendant que la moitié de la France est dans la rue pour se battre contre deux années de travail supplémentaires, elle ferait bien de regarder ce qui arrive. Ces IA ont le pouvoir de remplacer toutes les tâches humaines répétitives et à faible valeur ajoutée, dans les bureaux mais aussi dans les entrepôts et usines. Il est impossible de prévoir exactement l’impact concret de ces changements. Mais il est urgent de changer le paradigme de la formation face à cette accélération de l’histoire.
On voit déjà que des entreprises de presse, par exemple, licencient des journalistes remplacés par Chat-GPT, dont la version 4, qui vient de sortir, est encore plus puissante. Certains parlent de 30% de métiers qui vont disparaître. Mais je préfère croire que pour un métier qui disparait, ce sont deux ou trois autres qui vont apparaître. Comme en ce moment où la fonction « Prompteur Pro », pour désigner celui qui est capable de donner des directives à Chat-GPT ou MidJourney, émerge sur des plateformes de services comme Fiverr.
Murmurer à l’oreille des IA
Il n’y a pas beaucoup de doute sur ce qu’il va se passer dans les 5 à 10 prochaines années : ceux qui s’en sortiront le mieux sont ceux qui sauront « murmurer à l’oreille des IA ». Et la seule prévention possible, c’est la formation ! J’aurais aimé dire dans cette tribune que l’école publique va y contribuer. Mais comme beaucoup de parents, je ne peux que constater la déchéance du système actuel qu’il faudrait réformer de fond en comble.
D’ici quelques mois, la plupart des collégiens et lycéens feront leurs devoirs avec Chat-GPT, cassant complètement le système d’évaluation actuel avec des profs qui seront complètement dépassés. Le secondaire ne vaut pas beaucoup mieux quand on voit Science Po interdire l’accès à Chat-GPT (avant de revenir dessus). De mon coté j’encourage largement mes élèves en Master 2 à utiliser ces outils à partir du moment ou des règles d’usage sont établies.
Nouveau paradigme dans la formation
Mais qu’en est-il de ceux qui sont déjà sortis de l’école depuis longtemps ? Ceux qui sont dans les bureaux, dans les usines, dans les entrepôts. Ceux qui travaillent déjà depuis 30 ou 35 ans et à qui on dit qu’il va falloir qu’ils prolongent leur carrière de 2 ans dans un monde qui se digitalise sans eux ? Qui va leur apprendre à utiliser ces outils quand on voit déjà la fracture qu’il peut y avoir sur des compétences « de base » comme la suite Microsoft ? Qui va expliquer aux Directions des Ressources Humaines l’impact à venir sur les métiers ? La seule réponse possible passe par la formation professionnelle !
En revanche dans les faits, ce n’est pas aussi évident… Si la formation pro évolue dans ses méthodes, comme on a pu le voir dans les articles précédents, elle a du mal à sortir d’un schéma très classique. La plupart du temps c’est encore l’employeur qui continue de choisir les formations pour ses salariés (même si la tendance est censée s’inverser).
Un système de financement inadapté
La formation est censée se faire avec un rythme d’une formation par an et par salarié, mais dans la pratique souvent tous les 2 ou 3 ans… Très souvent les formations portent sur des compétences métiers ou transverses avec une vision très court-termiste, portée par les besoins actuels très pratiquo-pratiques de l’entreprise. Même le système de financement n’est pas adapté à la formation du 21e siècle qui se veut de plus en plus digitale ! En formation digitale il n’est pas rare d’avoir 1 an pour faire ses cursus, sauf que les OPCO (Opérateurs de Compétence qui financent la formation) ne payent qu’une fois la formation terminée… 1 an plus tard ! Quant au fameux CPF qui a tant perdu depuis l’année dernière (-30% de certifications, un reste à charge à venir…), je vous mets au défi de me trouver une formation d’intelligence artificielle sur France Compétence !
Le présentiel fait de la résisitance
La digitalisation de la formation, on y arrive doucement mais sûrement, mais là aussi les vieilles habitudes ont la vie dure. Quand le Covid est arrivé ça a été l’électrochoc du télétravail et de la formation à distance en mode classe virtuelle. Certains acteurs comme OpenClassRoom et LiveMentor en ont profité pour accélérer leur croissance. Mais en France, une fois la crise sanitaire passée, malgré le « le distanciel c’est super », le présentiel fait de la résistance.
On observe la même dissonance entre ceux qui veulent absolument faire du télétravail et l’employeur qui veut tout le monde au bureau. Etonnement les pays étrangers et notamment anglo-saxons se sont très bien accommodés du 100% à distance… Dans tous les cas, les cours avec formateurs qu’ils soient en présentiel ou à distance ne peuvent se faire de façon continue sur l’année et on atteint les limites du système.
C’est là où le coté asynchrone du digital devient très intéressant car on peut se former à son rythme et s’entrainer avec des outils de plus en plus efficaces. Ajoutez une plateforme d’apprentissage (LMS) engageante, sociale, gamifiée et une partie Veille pour avoir un combo gagnant de la montée en compétence permanente.
Les DRH doivent prendre impérativement conscience que « les compétences de bureau » et notamment les hardskills vont se transformer à une vitesse exponentielle et que « de simples formations » même blended avec un questionnaire d’auto-positionnement au début et un questionnaire d’évaluation à la fin ne suffisent plus, n’en déplaise à Qualiopi.
Cri d’alarme sur le Future of Work
J’entends souvent la phrase « il faut réapprendre à apprendre ». Avec les dernières évolutions, cela devient obligatoire et ça doit commencer sur les bancs de l’école et ne jamais s’arrêter tout au long de sa carrière. C’est pour cela que cette tribune s’achève un peu en un cri d’alarme sur le Future Of Work .
Il faut non seulement :
- intégrer de plus en plus de digital favorisant le Learning By Doing
- passer sur un système de formation quasi-continue et non plus sporadique car les compétences métiers ont une durée de vie de plus en plus courte
- Favoriser des formations qui permettent de s’adapter à un environnement changeant et apprendre à faire preuve de résilience pour ne pas se laisser dépasser.
Si nous ne changeons pas le paradigme de la formation actuelle, l’homme va être dépasser par les machines dans les 5 à 10 prochaines années. Je ne sais pas pour vous, mais personnellement je n’ai pas envie de devenir dépendant d’un revenu universel à rester chez moi toute la journée.
Je terminerais en citant une fois de plus la loi de Roy Amara, fondateur de l’Institut du Futur en Californie qui a dit « nous avons tendance à surestimer l’effet d’une technologie à court terme et à sous-estimer son effet à long terme ». Les IA qui arrivent en ce moment font le buzz dans tous les sens.
L’impact ne sera pas immédiat, mais la boite de Pandore est ouverte et il n’y aura pas de retour en arrière, notre monde va changer, il faut s’y préparer maintenant !
Alors, sommes-nous prêt(e)s ?
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